Où s'en va l'automatisation des archives?

Sommaire

1. D'abord un peu de contexte
   
2. Quelques définitions
   
3. Un peu d'histoire
   
4. La situation actuelle
   
5. Questions importantes en ce moment
   
6. Obstacles à l'automatisation
   
7. À long terme
   
8. Références

D'abord un peu de contexte

• Pour bien comprendre notre situation actuelle, il faudrait reculer un peu pour mieux voir, car nous sommes en plein milieu du tourbillon technologique
  
  
• Au XXe siècle on assiste à l'arrivée de joueurs ayant une influence profonde sur la société humaine : la machine à écrire, le cinéma, l'électricité, la radio, le téléphone, l'automobile
  
  
• Depuis la deuxième Guerre mondiale, la photocopieuse, l'électronique, la télévision, les satellites, les ordinateurs
  
  
• Depuis les années 1970, la télématique (=ordinateur + téléphone)
  
  
• Depuis 1990, l'Internet et le Web
  
  
• La discipline de l'archivistique n'est même pas encore établie définitivement, mais déjà il faut revoir ses fondements théoriques et établir un nouveau paradigme pour la discipline
  
  
• Bref, ça va vite!
  
  
• Ce que l'on vit présentement, le questionnement de notre théorie, les changements dans nos méthodes, tout est dû aux changements technologiques
  
  
• Cela a toujours été comme ça (l'écriture, le papier, Gutenberg, etc.)

Quelques définitions

Automatisation :

les activités et les processus reliés au passage de documents de formats analogiques aux formats numériques, soit à la création, soit par la conversion a posteriori

Gestion automatisée :

l'emploi d'ordinateurs et de logiciels pour les activités de gestion des fonctions archivistiques, que les archives elles-mêmes soient en format analogique ou en format numérique

Archives informatiques :

documents créés ou convertis en format informatique et dont la version définitive est normalement stockée en format électronique

Un peu d'histoire

• Au cours des années 1960 on voit l'implantation d'ordinateurs dans des gouvernements et des corporations très importantes. Les appareils sont très coûteux mais pas très intelligents; cependant, ils peuvent calculer rapidement
  
  
• Pour les moins nantis (mais assez riches, cependant), la machine à écrire électrique, qui se répand pendant les années 1970
  
  
• Vers la fin des années 1970, l'arrivée d'appareils dédiés au traitement de textes, mais que seules les organisations importantes peuvent se permettre. Aussi, les machines à écrire électroniques
  
  
• L'arrivée des micro-ordinateurs en 1980 change radicalement le portrait. L'ordinateur personnel coûte moins cher qu'une auto. Aujourd'hui un micro-ordinateur coûte beaucoup moins cher qu'une auto
  
  
• Un problème d'envergure dans ce nouvel environnement : déjà les appareils administratifs ne suivent guère les développements
  
  
• Par exemple, la politique de la NARA sur les archives ordinolingues est à peine établie (environ 25 ans après le début de l'informatisation), lorsque l'arrivée de la micro-informatique nous oblige à s'interroger sur la pertinence de cette politique (Bergeron 1992, 54)
  
  
• Des exemples de pertes d'archives électroniques importantes abondent : les données du recensement américain de 1960, le premier message de courrier électronique en 1964, des données sur les forêts du Brésil prises par satellite dans les années 1970, des données de la NASA

La situation actuelle

• On a transféré à l'environnement informatisé les politiques développées pour des documents sur papier, mais la complexification des technologies fait que cela ne suffit plus (Bergeron 1992, 53)
  
  
• Les capacités des ordinateurs changent radicalement et rapidement, et secouent ainsi les fondements théoriques de l'archivistique. On ne peut plus conserver l'information en format linéaire seulement
  
  
• Le document électronique : un ensemble de relations ou de morceaux d'information pouvant résider dans différents fichiers (Bergeron 1992, 53)
  
  
• Ces fichiers ou bases de données peuvent être stockés sur différents médias dispersés dans l'organisation (Bergeron 1992, 53)
  
  
• L'hypertexte et les liens hypertextuels et hypermédias ainsi que les structures relationnelles des bases de données ajoutent une autre dimension et complexifient davantage la problématique
  
  
• L'arrivée des archives multimédias rend plus complexe que jamais les archives électroniques (Bergeron 1992, 53)
  
  
• D'autres facteurs contributeurs :
  
  
  • La dépendance vis-à-vis des médias et des appareils
    
  • L'impossibilité d'entretenir les appareils
    
  • La volatilité de l'information, sa sécurité et son intégrité
    
  • La prolifération de formats propriétaires, de systèmes d'exploitation, de logiciels
    
  • Les multiples versions de tout cela
    
  • Le taux de développement de tout cela
  
  
  
• Bref, en l'espace de 30 ans, la matière que les archivistes traitent a changé radicalement
  
  
• Pour la première fois, on sépare les concepts de support et d'information
  
  
• Pour la première fois, on parle de supports de conservation et supports de diffusion
  
  
• Il y a des répercussions sur les méthodes de travail et sur la théorie. Les modèles établis ne reflètent plus la nouvelle réalité

Questions importantes en ce moment

• L'essence du problème (adapté de la phrase de Nicholas Negroponte : avant on gérait des atomes; maintenant il faut apprendre à gérer des bits
  
  
• Pour les fins de notre discussion aujourd'hui, on divise les questions en cinq catégories :
  
  
  • Documents et supports
    
  • Interconnectivité
    
  • Normalisation
    
  • Conversion
    
  • Préservation et conservation
  
  
  
• Les documents et leurs supports
  
  
  • La tendance vers la numérisation fait que presque la totalité de l'information est maintenant créée en format informatique (on peut trouver beaucoup d'exceptions, mais la tendance est nette)
    
    
  • Alors que le papier ancien peut durer des milliers d'années, même dans des mauvaises conditions parfois, les supports électroniques sont très instables, même dans des bonnes conditions
    
    
  • La durée de vie des supports suffit pour beaucoup de situations, mais pas pour la conservation à long terme des archives
    
    
  • Pour pallier au problème, on a recours au repiquage
    
    
  • Mais les développements technologiques se font tellement rapidement que ceci ne suffit plus. C'est la migration qu'il faut viser
  
  
  
• L'interconnectivité
  
  
  • L'interconnectivité, incarnée maintenant par l'Internet et le World Wide Web, ajoute une dimension nouvelle
    
    
  • Dans le contexte du développement de l'Inforoute, on voit les nombreux avantages pour les dépôts d'archives d'y avoir une présence
    
    
  • Jusqu'où devrait aller cette présence? Informations générales avec aperçu des fonds, mettre en ligne les instruments de recherche, les plans de classement, les calendriers de conservation, le plein texte de documents manuscrits, les bases de données?
    
    
  • La bombe : Y a-t-il une distinction entre archives numériques et bibliothèques numériques ("digital archives" , " digital libraries" )? (Preserving digital information 1996, 7)
  
  
  
• La normalisation
  
  
  • L'importance capitale des métadonnées dans ce contexte, surtout la normalisation des métadonnées
    
    
  • Il y a plusieurs types de métadonnées : pour la présentation du document, pour exprimer ses relations avec d'autres documents, pour exprimer le catalogage, la classification, l'indexation, etc.
    
    
  • Il y a des initiatives de normalisation (par ex. les RDDA, Encoded Archival Description, SGML, Dublin Core et ses successeurs), mais il reste beaucoup de travail à faire
    
    
  • À long terme, les métadonnées feront partie du document, et "voyageront" partout avec le document
    
    
  • Le bon côté: systématisation des pratiques et, à long terme, de l'ordre plutôt que le chaos
  
  
  
• La conversion
  
  
  • La remarque de Clifford Lynch
    
    
  • La conversion de fichiers existants : est-ce souhaitable, est-ce nécessaire, est-ce possible? Bande passante, besoins des usagers, coûts très importants
    
    
  • Le seuil de 97-98% dans la performance du ROC (Link 1997, 70). À 98%, =30 fautes/page
    
    
  • Non seulement l'édition, mais aussi le traitement après informatisation (par ex. des bases de données)
    
    
  • Aussi: la taille des fichiers pour la conservation de l'image d'une page de texte : à 400 ppp, on compte environ 85Ko/page. Pour 600 ppp, environ 500Ko/page. Pour atteindre la résolution du microfilm, il faudrait scanner à 1000 ppp.
    
    
  • À titre d'exemple : l'état civil du Québec, 18 000 000 d'actes, 650 Go de données (image seulement), 30 mois de travail (Lubkov 1997, 42)
    
    
  • Recherche actuelle : développement de langages de description de pages (comparer avec les fichiers Acrobat, gros et pas traitables)
    
    
  • Les problèmes associés à l'image fixe et en mouvement sont encore plus importants. Le gros problème: la taille des fichiers
    
    
  • Pour l'image fixe : plus complexe que l'image d'une page de texte, notamment à cause des couleurs et les tons de gris
    
    
  • L'image en mouvement : sans compression, on compte 40 Mo/image. Pour le film: 24 images/seconde. Pour le vidéo, 30 images/seconde. Un film de 90 min = (960 Mo/sec = 57,6 Go/min. = 3,5 To/heure =5 To pour 90 min)
    
    
  • Avec le système Cineon de Kodak, 33 grosses cassettes pour le stocker, au coût de 13 000$US pour le ruban magnétique seulement. Par ailleurs, 110 heures pour faire le scan (= plus d'une heure par minute de film)
    
    
  • Imprimer le code sur papier afin de le conserver à long terme : le système à une résolution de 320 millions de pixels par image. À 24 images/seconde, environ 8 milliards de pixels/seconde de film 35mm. Au rythme de 6000 bits/page (a simple interligne on a 3000), on comptera 56 000 pages (une pile d'environ 5 m) pour chaque seconde du film!
  
  
  
• La préservation et la conservation (conclusions du groupe de travail sur la préservation des archives numériques) (Preserving digital information 1996, 37)
  
  
  • La responsabilité première aux créateurs, fournisseurs, propriétaires d'information en format numérique
    
    
  • Une infrastructure très profonde ("deep infrastructure") capable de supporter un système distribué de données
    
    
  • Un processus de certification des organisations capables de stocker, de migrer et de fournir de l'accès aux collections numériques
    
    
  • Le droit légal d'intervenir pour la sauvegarde ailleurs en cas de danger de destruction

Obstacles à l'automatisation

• L'instabilité des supports informatiques
  
  
• L'intégrité et l'authenticité des données
  
  
• Les logiciels peu performants et difficiles à utiliser
  
  
• Des infrastructures inadéquates (bande passante) pour l'interconnectivité
  
  
• La prison ASCII
  
  
• L'accès universel à l'Internet et ses successeurs
  
  
• La numérisation convenable du vidéo
  
  
• Problèmes associés à la compression des images
  
  
• La conversion de fichiers dans le contexte économique actuel
  
  
• La conversion sans contrôle de qualité

À long terme

• Le contrôle total des données de la naissance à la mort
  
  
• La stabilisation des méthodes, des processus, des normes
  
  
• L'éducation des ordinateurs
  
  
• Le développement d'ordinateurs plus sécuritaires (lors d'une panne d'électricité on ne perd pas nos données)
  
  
• L'automatisation des procédures de sauvegarde, de formation, de migration
  
  
• Le développement de supports stables à long terme

Références

Bergeron, Pierrette. 1992. "La gestion des archives électroniques : quelques questions-clés à considérer." Archives vol. 28, no. 3, pp. 51-70.

Link, Erika C. 1997. "Digitizing archival papers : an interview with Ed Galloway." Library Administration & Management vol. 11, no. 2 (spring), pp. 68-73.

Lubkov, Michel. 1997. "État civil canadien : une application de 18 millions d'actes sur 650 Go." Archimag no. 103 (avril), p. 42.

"Preserving digital information : report of the Task Force on Archiving of Digital Information." 1996. Washington: The Commission on Preservation and Access.

Shamir, Harry A. 1996. "New technologies for records management." Records Management Quarterly vol. 30, no. 3 (juillet), pp. 9-14, 78.